Maybe we're lying (ft. Katlyn)

Je sais qu'elle est là. J'ai retrouvé sa voiture. Et je suis persuadé que le moindre curieux voudrait savoir comment. Sauf que je n'ai pas l'intention de révéler mes techniques. Encore moins si cela signifie que Katlyn vérifie qu'il n'y ait aucun traceur sur sa voiture. Parce qu'il y en a un, bien sûr. Même deux, histoire d'être sûr que si elle trouvait le premier, il en resterait un autre. Mais j'ai besoin d'avoir des informations sur un dossier. Les clients paient plutôt bien. Ce n'est pas parce que leur histoire est émouvante ou autre que je l'ai prise. Ce n'est qu'une histoire de plus. Un suicide de trop. Mais le fait n'est pas unique ces derniers temps. Alors j'ai besoin d'en savoir plus. Besoin de découvrir ce la police sait, bien qu'elle ait fermé l'enquête. Sauf que mes clients sont persuadés que cela ne ressemble pas à leur gosse. Forcément, ils insistent. Ils espèrent que je trouverai quelque chose. Mais plus j'avance, plus j'ai l'impression que cela touche à une réalité qu'ils doivent continuer à ignorer.

Alors j'ai besoin de la jolie flic au sourire dévorant, à la chevelure aussi blonde que les blés. Je suis persuadé qu'elle serait capable de se servir de son physique pour une enquête. Elle en aurait les atouts. Et c'est adossé contre la porte de sa voiture que je patiente. Je sais qu'elle est à l'intérieur. Si je n'ai pas d'autres facultés troublantes de mon côté plus "lumineux", sa voiture ne serait pas ici. Je ne l'attends pas pour rien. Mais je ne sais pas exactement combien de temps je risque de l'attendre. Il est déjà tard, j'ai donc malgré tout bon espoir qu'elle va prochainement quitter le commissariat. Et cela ne tarde pas. Je repère sa silhouette lointaine que je suis du regard sans esquisser l'ombre d'un geste. Pas un mouvement. A peine un début de sourire qui commence à se peindre à mes lèvres. Et avant qu'elle entrouvre les siennes, je suis le premier à prendre la parole, à souffler ce que j'ai bien envie de dire, comme si nous avions rendez-vous... ce qui n'était absolument pas le cas. Ou alors seulement dans ma tête.

« J'ai failli attendre, lieutenant. » Ombre d'un sourire taquin à mes lèvres, mais il s'incurve, se fait plus séducteur. Notre jeu. Chemin familier, mais je sais qu'elle aime mon sourire. Ou alors simplement le jeu. Qui sait. « Cela aurait été dommage à vrai dire, mais... il n'est pas trop tard pour un verre. » Proposition tardive. Elle n'est même pas obligée de prendre sa voiture, il y a un bar juste à côté, même s'il y a trop de flics qui y mettent les pieds à mon goût. Un autre se trouve deux rues plus loin, et celui-ci a au moins le mérite de ne pas attirer trop la volaille. Pas que le premier me gêne vraiment, j'apprécie d'être dans les petits papiers de la flicaille, mais autant rester un minimum discret. Bien qu'on sache, sans le moindre doute, que je sais tirer certaines ficelles, et que je rends plus d'un ascenseur en retour. Je fouine, je laisse traîner mes oreilles, pour avoir de quoi monnayer ce que je veux. Avec le lieutenant Mitchell, cela ne semble être que la seule valeur qu'elle accorde à ce que je pourrais lui apporter. Des informations. Rien d'autres. « Qu'en dites-vous ? » J'insiste juste ce qu'il faut alors que je me détache de l'habitacle, dégaine les mains que j'avais fichées au fond de mes poches en l'attendant.

J'avais attendu jusqu'à la voir apparaître, guidé par mes petits tours à cette voiture qui m'avait donné le lieu où elle se trouvait. Bâtisse policière dans laquelle elle était restée moins longtemps qu'on ne l'aurait pensé. Surtout que je n'aurais pas attendu des heures non plus, qu'elle finisse par terminer sa journée. Par s'approcher, écouter mes paroles, et finalement... « Ce serait malpoli de refuser. » ...accepter mon invitation, ce qui fit s'élargir mon petit sourire. J'avais délaissé la carrosserie pour m'approcher légèrement d'elle, tandis que sa voix se fait à nouveau entendre. « Est-ce que cela vous dérange si l'on marche jusqu'au Harry's? Il y en a un plus proche mais je n'ai pas forcément envie de revoir des têtes que j'ai déjà vu toute la journée. » Je hoche la tête positivement. Parce que j'avais pensé quelque chose de similaire. Bien sûr, je ne fais pas parti de la police, je travaille même seul la majeure partie du temps. Mais je sais ce que cela fait de vouloir ne pas croiser de visages que l'on voit trop souvent, ou qui pourraient trouver utiles de recueillir des informations sur soi... sur elle. Et pire encore des collègues. J'imagine qu'à nous voir ensemble, certaines mauvaises langues diraient que nous avons quelque chose de sérieux, puisque l'on se croise un peu trop souvent. Pour parler boulot, malgré tout. Si l'on cherche l'autre, c'est toujours plus ou moins pour ça. Même si je ne serais pas si charmeur si elle ne me plaisait pas ne serait-ce qu'un peu.

« Je préfère le Harry's de toute manière. C'est plus détendu. » Parce qu'il n'y a pas de volailles dans tous les coins. Je hausse les épaules, lui jette un petit sourire charmeur et commence à partir en sa compagnie en direction du bar évoqué. Mes mains se fichent dans mes poches, l'air pollué s'engouffre dans mes poumons sans que j'y fasse attention. Cela fait parti avec le fait de vivre en ville, tout le monde en a bien conscience. Et puis j'aime nécroser mes poumons un peu plus avec une cigarette à l'occasion. Je sors d'ailleurs une cigarette que je pince entre mes lèvres sans l'allumer, mes prunelles s'attardent sur le ciel nocturne lorsqu'elle m'interroge. « Qu'est-qui me vaut le plaisir de cette visite surprise ? Je sais que ce n'est pas juste pour l'envie de boire un verre en ma compagnie. » Un petit rire s'élève de mes lèvres, alors que je prends le temps d'allumer la cibiche qui finira calcinée d'ici quelques minutes. J'inspire, savoure le parfum de nicotine sur ma langue, avant de tourner mon regard dans sa direction.

« Ca me blesse, Lieutenant, que vous ne puissiez pas imaginer que je sois là exclusivement pour profiter de votre agréable compagnie. » Et que bien évidemment, mon invitation soit pensée intéressée. Même si c'est bel et bien le cas, et cela se discerne très certainement à mon sourire plus taquin. J'inspire une nouvelle taffe de la fumée corrosive. « Je vous promets que la prochaine fois, je ne vous demanderai rien. » que je précise, parce que je n'ai pas l'intention de passer à côté de cette occasion. « J'aurais besoin d'accéder à un dossier classé. Une vague histoire de suicide... les parents ne croient pas que c'en soit un. Et puisque c'est déjà classé dans vos bureaux... » que je souffle en lui offrant mon plus séduisant sourire. Oui, j'ai besoin qu'elle surfe sur la vague de l'illégalité en me fournissant quelques informations, mais je lui rendrai un service tout aussi intéressant lorsqu'elle me le demandera. En vérité, ce dont j'avais surtout besoin, c'est du rapport du médecin légiste. Pour le reste, je m'en arrangerai en continuant à fouiner de mon côté. Si tout ça est bien lié à une histoire de magie... parce qu'il y a trop de suicides ces derniers temps que ce soit une coïncidence. Lorsque cela touche à ce monde interdit, je détourne les mortels vers un autre chemin, pas que je cherche à soutenir un camp ou un autre, juste à me faire payer, quoiqu'il advienne. Égoïste, pas vrai ?

« Je peux ? » demande-t-elle quand elle me voit sortir une clope. Et je hoche la tête, en extirpant une seconde pour elle, que je viens allumer d'un briquet. Bien sûr, cela aurait pu venir de moi, directement, comme une proposition, une seconde invitation, une subtile séduction dans le jeu instauré entre nous. Je redeviens par moment le phénix que l'on m'a appris à devenir, si égoïste qu'il ne pense qu'à lui-même. J'imagine aisément que l'autre facette de mon être est une subtile combinaison avec la nature héritée par mon père, plus douce, plus lumineuse, moins rancunière et meurtrière que celle offerte par ma mère. Je déteste le penser, mais j'ai bien conscience que cela ne peut être que cela, que si je sais si bien me fondre parmi les simples mortels, au point d'y prendre plaisir et de m'y sentir à ma place, c'est bel et bien parce que je suis un hybride. Mais je vois cela comme une force, plutôt qu'une faiblesse. Donner la mort à quelqu'un ne m'a jamais arraché mes songes, tout comme le fait d'en épargner ne m'a pas travaillé durant des jours. Et puis, je trouve mon existence plus intéressante depuis que je suis sorti des sentiers où l'une ou l'autre de mes races m'attendrait. Jouer à l'ange gardien d'une innocente ou d'une sorcière, très peu pour moi. Et que l'on juge mes actes moins efficaces que ceux d'une phénix, même si dans les fais c'est faux, m'agace tout autant. Suivre sa propre route est mille fois plus intéressant, reconnaissez-le. Même si je m'éternise dans cette neutralité si propre à la race qui m'a élevée, celle pour qui je répondrai présent si elle venait à m'appeler, contrairement à ceux qui n'ont jamais fait parti de ma vie.

La conversation se poursuit, bien sûr que j'aurais pu l'inviter pour autre chose qu'une enquête, mais la vérité est que pour cette fois, encore, je ne suis venu que pour ça. « Attention je saurais vous le rappeler. » Je laisse un petit rire s'élever entre nous, et je hoche une nouvelle fois la tête. « Je n'en doute pas un seul instant, Lieutenant. » Et cela ne me dérangerait pas vraiment. Si notre arrangement fonctionnait plutôt bien, c'était également car nous nous apprécions, il ne faut pas se leurrer. Je prendrais nettement moins de plaisir à boire un verre avec elle si elle était aussi laide que les sorcières des contes de fées des mortels. Le nez crochu, l'ignoble verrue, les yeux globuleux, et tout un tas de petits détails juste présent pour laisser penser que la noirceur se peignait toujours le visage de son porteur. Quel mensonge stupide inventé pour que les enfants dorment mieux. Qu'ils se fassent dévorer par le monstre du placard, et on en reparlera. Ou qu'ils rencontrent... Achil, par exemple. Bien qu'à moitié démoniaque, il ne fait aucun doute que le démon avait le charme des enfers. Mais celle avec qui je suis présentement a comme une aura captivante, différente. Elle est souriante, taquine, franche, et sa blondeur la rend plus... innocente ? Allons bon, j'espère juste que ce n'est pas un coup détourné des Fondateurs pour que je protège son joli petit cul.

Parce que ma demande l'attire plus dans l'illégalité qu'au paradis. Mais j'en ai besoin pour tenter de définir à quoi j'ai affaire. Et puis, c'est un dossier classé, c'est moins grave que si je lui demandais d'accéder à une enquête en cours. « Il y a vraiment trop de cas de suicides ces derniers temps... Je trouve ça tellement suspect, vous ne trouvez pas ? » Je tire une taffe sur ma clope, avant de hocher doucement la tête, marchant à ses côtés. « Je commence à être du même avis. Je ne m'attendais pas à tomber sur autant de... suicide, et d'amnésies en prenant cette enquête. » Je ne sais pas si elle en sait plus, si elle est réellement une simple humaine. Dans tous les cas, je ne m'avance pas trop et reste prudent dans le choix de mes mots. « Quoi qu'il en soit donnez-moi son nom et je vois pour vous communiquer le dossier.» Je lui jette un regard plus appuyé, mes lèvres se font charmeuses malgré moi, comme par habitude. Il est si simple à présent de lui demander des services, à croire que je n'ai même plus besoin d'y mettre les formes. « Jayden Handerson. Un gosse de 17 ans bien dans ses baskets selon ses parents. » Une première information. Des faits simples et divers ? Un ado comme les autres ? Sauf que justement, le fait de se suicider alors que tout le monde était bien semble être un mode opératoire peu commun pour l'humanité. « Merci pour le dossier. Quelque chose me dit que je vais vraiment vous devoir ce verre désintéressé. Mais vous enquêtez également sur l'un d'eux ? » Un sourire en coin qui se délite peu à peu sous ma dernière question.

Un sourire pour charmer le monde. C'était devenu depuis bien longtemps l'une de mes armes secrètes... pas si secrètes que ça. J'en avais pris conscience en grandissant, et j'en usais. Parfois un peu trop souvent. Parfois pas du tout. Selon la situation, j'improvisais. J'avais conscience d'être le genre de type qui avance sur une corde un peu trop fine pour ses pieds, mais qui s'en sortait bien souvent par une pirouette. Ce qui m'évitait de devoir choisir un camp. Les phénix aiment la neutralité, certaines penchent parfois, et j'aurais dû, selon mes origines paternelles, tomber dans le bien. Mais non. Il m'arrivait de bien agir, comme tout le monde j'imagine, mais je restais quelqu'un d'égoïste, et si cela fonctionne si bien avec Kat, c'est parce que nous nous rendons service mutuellement, que nos accords me rapportent quelque chose.

Je fais rarement le bien pour faire le bien. Rarement ne veut pas dire jamais. Et si j'écoutais les personnes dites du "bon côté", il faudrait que ce soit un peu plus souvent. Qu'importe, cela ne m'intéresse pas. Je suis un entre-deux, comme les chats dans la mythologie égyptienne, pouvant passer d'un monde à l’autre, sans totalement lui appartenir. A la place, j'enquêtais. Toujours sur le rebord du précipice, parce que je n'aime pas les cases, et que je refuse d'être mis dans l'une d'elle. Et je lui explique la situation, mes interrogations, avant de finir par lui donner l'identité de la victime qui m'intéresse. Victime, parce que je sens qu'un truc cloche. Victime, parce ses parents refusent de penser que ce n'est qu'un suicide banal, comme les autres.

Il faut reconnaître qu'ils ont de l'argent, et qu'ils n'ont pas lésiné sur celui qu'ils me donnent pour que je parvienne à découvrir la vérité. Ils m'ont clairement fait comprendre que j'aurais un bonus, si la réponse va dans leur sens. Dans le cas contraire, je n'aurai que mes honoraires. Peut importe. Je ferai mon travail, et si cela touche au monde magique, je le dissimulerai de mon mieux, en leur trouvant une alternative convenable. En attendant, j'avance. Doucement, mais néanmoins j'avance. Et je la remercie d'accepter de me donner le dossier sans même avoir besoin d'être plus insistant, ou de lui apporter d'autres arguments. Une demande, et la voilà déjà presque exhaussée. Ca valait bien un verre, voir plus. Je tire une nouvelle taffe à ma clope, lorsqu'un bruit la fait pivoter. Je l'imite, calmement, cherchant dans le noir ce qui a pu faire ce bruit. Il n'y a rien que le vent qui soulève une feuille qui tourbillonne.

« Excusez-moi il me semblait avoir entendu quelque chose. » Mais moi aussi, je l'ai entendu, ce bruit. Soit, ce n'était peut-être rien. Je reste cependant sur mes gardes à présent. Peut-être qu'il n'y a rien effectivement. Mais ce n'est peut-être pas la seule vérité à connaître. « Pour le jeune Handerson c'est un collègue à moi qui était en charge du dossier, mais ne vous en faites pas je m'occupe de tout.  » J'hoche doucement la tête, lui accordant un nouveau sourire. « Merci Lieutenant. Vous me sauvez la vie. Sinon... » Un nouveau bruit, et peut-être une ombre qui attire mon attention du coin de l’œil. Je ne vois rien pourtant lorsque ma tête pivote, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a rien. Et cela ne sent pas quelque chose de "naturel" si vous voyez ce que je veux dire. Seulement, la présence du lieutenant complique légèrement les choses si jamais il est nécessaire de combattre. Les lois des puissances supérieures sont parfois plus que gonflante. « Et si vous y alliez en premier ? Je viens de me souvenir que j'ai un appel à passer, avant. » Je semble nonchalant, un peu étourdi pour le coup, mais rien de plus. L'inquiétude ne filtre pas, parce que je ne le suis pas. Juste prêt au combat si nécessaire, et si c'est juste pour discuter, je vais très aimablement recevoir cette dite personne qui m'ennuie.